Protéger la liberté de création est une nécessité, une condition et un critère pour la compétition internationale dans le septième art.

Protéger la liberté de création est une nécessité, une condition et un critère pour la compétition internationale dans le septième art.


L’Association des Rencontres Méditerranéennes du Cinéma et des Droits de l’Homme présente 60 propositions d’amendement au projet de loi n° 18.32 relatif à l’organisation de l’industrie cinématographique et du Centre Cinématographique Marocain

Dans le cadre de son suivi des politiques publiques dans le domaine du cinéma et faisant suite à son rapport intitulé “Les politiques publiques dans le domaine du cinéma et les droits de l’Homme : pour une harmonisation avec la Constitution des droits et libertés”, l’Association des Rencontres Méditerranéennes du Cinéma et des Droits de l’Homme a interagit avec le processus législatif en cours, représenté par le projet de loi n° 32.18 relatif à l’organisation de l’industrie cinématographique et du Centre Cinématographique Marocain (CCM). L’association a soumis un mémorandum de plaidoyer aux groupes et aux commissions parlementaires, comprenant une introduction et soixante (60) propositions d’amendement.

L’association salue cette initiative législative qui comble un vide juridique en regroupant les dispositions légales relatives à l’industrie cinématographique en un seul texte, alors qu’elles étaient auparavant dispersées dans plusieurs lois. Cependant, elle note que ce projet de loi ne s’inscrit pas dans une politique publique claire permettant d’élargir le nombre de citoyens bénéficiant du droit à l’accès à la culture et aux produits cinématographiques. De plus, sa vision stratégique ignore le rôle social, culturel et civilisationnel du cinéma et fait abstraction des chantiers nationaux importants que le Maroc a choisis de suivre avec détermination tels que la régionalisation avancée et la prise en compte de la dimension territoriale, la mobilisation de nouvelle sources de sources de financement pour le cinéma marocain.

Les propositions de l’association reposent sur les fondements suivants :

  1. Les dispositions constitutionnelles relatives aux droits et libertés, à la justice, et à la bonne gouvernance (notamment le Préambule et les articles 19, 25, 26, 33, 35, 36, 37, 71, 117, 118, 154, 155, et 156) ;
  2. Les normes et références internationales relatives à la liberté de création en particulier, et aux droits culturels en général ;
  3. Les lois en vigueur, notamment celles relatives aux entreprises, la loi n° 03.01 sur l’obligation pour les administrations publiques, les collectivités locales et les établissements publics de motiver leurs décisions administratives, la loi n° 19-55 sur la simplification des procédures et formalités administratives, la loi des sociétés 17-95 et la loi n° 09.08 relative à la protection des données personnelles ;
  4. La reconnaissance du rôle social du cinéma dans le renforcement des liens sociaux, l’éducation, la sensibilisation et la culture, ainsi que la nécessité de renforcer le rôle des associations culturelles dans ce domaine. En effet, il est impossible de penser l’industrie cinématographique indépendamment de son public (toutes catégories confondues) et des acteurs civils qui jouent un rôle pionnier dans ce domaine, dans un esprit de bénévolat et sans rechercher le profit ;
  5. La prise en compte des dysfonctionnements, difficultés et obstacles qui empêchent dans la pratique le développement de l’industrie cinématographique et l’accroissement de l’intérêt pour le septième art, tant au niveau de la production que de la consommation.

Les propositions formulées par l’association, après une étude approfondie du projet de loi, portent sur les points essentiels suivants :

  1. La nécessité de définir le champ d’application de la loi et de préciser sa base constitutionnelle ;
  2. La nécessité de fournir des définitions précises pour plusieurs concepts mentionnés dans le projet ;
  3. Le changement de philosophie de la censure, passant d’une approche liberticide à une approche tripartite fondée sur le respect de la Constitution, la protection de la liberté de création et la protection du jeune public (-12, -16, -18 ans), avec la proposition d’intégrer le Ministère de l’Éducation Nationale dans la commission de visionnage ;
  4. Le refus de toute tutelle sur la conscience du public et l’orientation vers la protection du jeune public, en rejetant toute coupe ou suppression dans un film prêt à être diffusé, car ces coupes nuisent à la narration cinématographique et altèrent la lecture du film ;
  5. La nécessité de prendre en compte les conditions de travail des associations et d’encourager l’acquisition de films à des fins éducatives et culturelles non lucratives. Appliquer les mêmes dispositions, normes et conditions aux entreprises et aux associations entrave le travail de des associations ;
  6. La nécessité d’harmoniser la loi avec les autres législations, y compris les lois sur les sociétés ;
  7. La nécessité de prévoir des sanctions proportionnelles à la précarité de nombreux acteurs et intervenants dans ce domaine ;
  8. La nécessité de réduire le nombre de textes réglementaires qui constituent en réalité des obstacles à l’entrée en vigueur des dispositions de la loi ;
  9. L’inscription de la parité dans toutes les commissions et instances prévues par le projet ;
  10. La fixation des délais de réponse du Centre Cinématographique Marocain à toutes les demandes, avec la reconnaissance explicite de la possibilité de recours devant la justice administrative ;
  11. Le renforcement de la présence des films marocains dans les salles de cinéma ;
  12. L’élargissement de la composition du Conseil d’Administration du Centre Cinématographique Marocain à plusieurs institutions constitutionnelles et représentants des régions du Royaume, dans le cadre de la dynamique de mise en œuvre régionale des politiques publiques dans le domaine ;
  13. L’ajout de la mission de validation de la stratégie quinquennale (tous les 5 ans) du Centre parmi les missions du Conseil d’Administration du Centre Cinématographique Marocain ;
  14. La nécessité de mentionner explicitement la possibilité de recours contre les décisions administratives du Centre devant la justice, comme le prévoit l’article 118 de la Constitution ;
  15. La nécessité de respecter les dispositions légales relatives aux conflits d’intérêts et de prévenir toute déviation des agents du Centre dans toutes les activités où intervient le Centre Cinématographique Marocain ;
  16. La nécessité de préparer tous les prérequis pour l’application de la loi (préparation des formulaires de demande et des listes de documents requis) avant son entrée en vigueur.

Enfin, l’association réaffirme la nécessité de protéger la liberté de création des cinéastes marocaines et marocains, car cette liberté garantie par la Constitution est le principal critère de la compétition internationale dans ce domaine. L’association espère que ce mémoire contribuera de manière constructive à enrichir le débat et à orienter les amendements essentiels nécessaires à ce projet de loi.